Un pas énorme est franchi en matière d'enregistrement lorsque, à partir de 1925, on y fait un usage généralisé de l'électricité, avec l'utilisation d'un microphone pour capter le son. Le microphone transforme le son, une variation de pression, en une variation électrique, le signal. Il s'agit du phénomène de la transduction. Les problèmes techniques, les orchestres se resserrant devant les pavillons, les subtilités de dynamique, non captables en l'état par les technologies utilisées jusqu'alors, le manque de définition dans les graves et dans les aigus, tout cela ne va cesser de s'améliorer et l'on va assister à l'apparition des studios professionnels.
Les premiers essais d'enregistrement avec microphone sont réalisés en 1919 par deux anciens officiers de la Royal Air Force, Lionel Guest et Horace Owen Merriman. Le premier enregistrement ainsi réalisé puis commercialisé est effectué lors du discours pour la cérémonie de l'enterrement du soldat inconnu (cathédrale de Westminster, en Angleterre, le 11 novembre 1920).
Cet essai anecdotique va se généraliser à partir de 1925. On entre alors dans l'ère de l'enregistrement électrique qui va conquérir toutes les sociétés investies dans l'industrie du disque (réticentes pour certaines dans un premier temps à devoir ré-enregistrer tout leur catalogue sur cette nouvelle base de qualité). L’électricité va aussi permettre de réguler la vitesse de rotation des machines à graver, jusqu'alors dépendantes de systèmes à ressort. La qualité sonore va grandissante. Le studio d'enregistrement moderne est né: une salle où se placent les musiciens, captés par des micros, une autre où se trouvent les techniciens et les appareillages (la cabine, ou control-room), séparées par une vitre. Les sons passent par un amplificateur (qui est équipé d'un vumètre et d'un potentiomètre permettant d'augmenter le volume lors de passages trop doux ou de le diminuer au contraire pour éviter la distorsion du signal) et sont relayés ensuite par un haut-parleur. Le système se perfectionnera avec la table de mixage (augmentant les possibilités de contrôle du volume sonore, mais aussi de filtrage). Cela marque l'avènement d'un nouvel acteur fondamental: le réalisateur artistique (record producer), qui acquiert, dès lors, un rôle considérable dans le processus de l'enregistrement.
Plus qu'un support technique à l'enregistrement, le microphone va être à l'origine d'esthétiques particulières, de nouvelles manières de faire, y compris sur scène. La voix typique des crooners qui apparaît au début des années trente, à commencer par celle de Bing Crosby, est entièrement redevable à l'utilisation de cette technologie. Suivront nombre de chanteurs utilisant ce type de technique dans les années quarante/cinquante: Nat King Cole, Frank Sinatra, Dean Martin etc.
Une anecdote historique, en France, est parfaitement significative à cet égard : la polémique suscitée par le chanteur Jean Sablon qui, en 1936, fut le premier à utiliser un micro lors d'une prestation scénique à l'ABC. Son souhait était de reproduire ce que les gens entendaient sur ses disques ou à la radio. Cet événement fut à l'origine d'un scandale mémorable et il lui fut alors faite une réputation de < chanteur sans voix > par les critiques. En 1950, de retour des États-Unis au sortir de la guerre, lors d'un récital à Paris, il débute sans micro puis, après les applaudissements, lance: < Maintenant que le chanteur sans voix a fait ses preuves, permettez-moi de reprendre le micro pour la suite du programme . >
Ainsi, le micro va permettre jusqu'à nos jours l'émergence de tout un ensemble de techniques de chant nouvelles, susurrées, chuchotées, grognées etc.
Une autre conquête importante de l'enregistrement électrique se manifeste dès 1929 dans la naissance du cinéma parlant dont le son est enregistré par moyen optique directement sur la pellicule. Beaucoup d'artistes expérimenteront le fait de dessiner directe- ment des sons sur cette piste optique, préfigurant à leur manière la synthèse sonore. Parmi eux, amorçant ce type d'expérience dès 1925 pour les poursuivre dans les années trente, le photographe et peintre László Moholy-Nagy (membre du Bauhaus de Weimar dans les années vingt) ainsi qu'Oskar Fischinger, le Russe Yevgeny Sholpo (qui invente le Variophone en 1932, appareil qui perfectionne le principe), les réalisateurs américains expérimentaux James et John Whitney puis le réalisateur canadien de films d'animations Norman McLaren.
La suite tout bientôt
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